Pourquoi nous devons faire mieux pour obtenir notre juste part de capitaux
Depuis le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine, les perspectives économiques, devenues incertaines, ont modifié les choix des investisseurs. Ainsi, en 2023, l’argent s’en est allé vers les États-Unis, le Brésil, le Mexique ainsi que le Canada, à égalité au troisième rang des pays de l’OCDE pour les investissements directs étrangers (IDE). Pourtant, rien n’indique une véritable amélioration du positionnement canadien en ce qui concerne l’attraction de capitaux. Le pays maintient un solde négatif d’IDE, puisque les IDE du Canada faits à l’extérieur de nos frontières dépassent ceux faits en sol canadien. Ce n’est ni nouveau ni propre à notre pays : les économies plus matures sont plus riches et investissent parfois davantage à l’étranger. Les États-Unis, dont le solde est équilibré, sont l’un des rares pays à ne pas suivre cette tendance.
C’est particulièrement apparent du côté des contribuables et des fonds de retraite. En 1996, les investissements des Canadiens à l’étranger valaient autant que les investissements des étrangers au Canada. Depuis, les investissements des Canadiens à l’étranger se sont multipliés par 11, alors que ceux des étrangers au Canada ne se sont multipliés que par 7. Quant aux fonds de retraite, ils se sont diversifiés. Si les actifs canadiens (hors obligations) comptaient pour 80 % du portefeuille dans les années 90, ils se situent désormais sous la barre des 50 %. Et pour la part canadienne des actions, la différence est encore plus marquée : elle est passée pendant la même période de 74 % à 23 % à peine.
On pourrait faire l’autruche, mais un constat s’impose : le Canada n’attire pas suffisamment l’argent des multinationales, ni des contribuables, ni des fonds de retraite. Or, une insuffisance de capitaux peut se traduire en perte de productivité (et de rendement) et rendre les investissements canadiens encore moins intéressants. Un vrai cercle vicieux.
Savoir attirer des capitaux
En théorie, attirer des capitaux, c’est simple : soit on rend les investissements canadiens plus intéressants – donc compétitifs –, soit on se démarque à l’international. Mais le diable est dans les détails.
Pour rendre les investissements plus compétitifs, une multitude d’approches de développement économique existent. Personnellement, je soutiens les approches systémiques qui ciblent l’environnement d’affaires (taux de taxation plus faibles, réglementation agile et adaptée, etc.). L’approche classique canadienne visant à attirer des multinationales avec de généreuses subventions me semble surannée. Elle coûte trop cher et favorise le développement d’écosystèmes d’entreprises qui dépendent d’une multinationale. Et parfois, pour garder l’entreprise au pays, on se retrouve contraint de pérenniser l’aide initiale.
L’autre approche consiste à faire en sorte que le Canada se distingue à l’international pour attirer des investisseurs – par l’entremise, par exemple, de notre positionnement politique ou des considérations ESG. Les dernières années ont mis en lumière la dépendance de la chaîne énergétique mondiale à des fournisseurs exposés aux litiges. Le Canada, comme producteur d’énergies fossiles, est bien positionné pour recevoir des investissements – qui seront les bienvenus. En effet, cette industrie investit autant qu’avant la pandémie, sans compter l’inflation, alors que les investissements venant de l’étranger sont plus faibles. Avec les États-Unis dans l’arène, on ne peut gagner sur la base des rendements : le TSX réalise presque systématiquement des rendements inférieurs au S&P 500. C’est là qu’entre en jeu notre performance ESG, qui offre au Canada la possibilité de compétitionner dans d’autres sphères. En matière de gouvernance, la performance canadienne est comparable, voire supérieure à celle des États-Unis selon plusieurs indicateurs. Un constat similaire s’applique au volet social. Les inégalités de revenus et de richesses, en plus d’être moins importantes au Canada, n’augmentent pas au rythme de celles observées aux États-Unis. L’indice de mobilité sociale, qui devrait caractériser le « rêve américain », est plus élevé au Canada. Même chose au sein des entreprises, où l’écart salarial entre PDG et employés est plus faible. On y trouve aussi moins de travailleurs faiblement rémunérés et plus de femmes à des postes de gestion.
Pour ce qui est de l’environnement, la comparaison est moins reluisante. Notre économie repose en partie sur les ressources naturelles, et notre faible densité de population génère un lourd bilan environnemental en ce qui a trait aux transports. Cela dit, le Canada doit se démarquer rapidement quant à la transparence et à la qualité des informations disponibles aux investisseurs. Sur ce plan, les choses sont sur la bonne voie. Le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité travaille en collaboration avec son pendant international à la mise en œuvre de normes internationales et canadiennes.
La mise à jour économique fédérale de 2023 prévoit également d’augmenter la transparence des fonds de retraite. C’est un bon début. Je ne verrais pas d’un mauvais œil que les gouvernements introduisent des mandats de développement économique pour multiplier les retombées de notre argent au pays. C’est déjà le cas pour la Caisse de dépôt du Québec, qui n’a pas vu ses rendements affectés. Bref, rapatrier des investissements au Canada sera bien reçu pourvu qu’on évite deux secteurs déjà en surchauffe : l’immobilier et les infrastructures.