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Tirelires posées sur des piles de pièces de plus en plus hautes
Affaires et économie

Des cibles plus robustes pour rétablir l’équilibre budgétaire

Dans son mémoire prébudgétaire, CPA Canada exhorte le gouvernement fédéral à renouer avec l’équilibre budgétaire. Notre économiste en chef explique.

À CPA Canada, nous plaidons depuis maintes années en faveur d’une cible budgétaire plus robuste que la simple baisse à long terme du ratio de la dette au PIB sur laquelle mise actuellement le gouvernement. Espérer que l’économie croisse plus vite que la dette est bien trop simpliste – et témoigne d’un manque d’engagement sérieux.  

Dans son budget de 2024, le gouvernement s’engage à maintenir le ratio de la dette au PIB en-dessous de 1 %, mais seulement à compter de 2026-2027. Certes une amélioration qui, toutefois, reste insuffisante et peu contraignante à mon goût. Quoi qu’il en soit, cela a quand même donné lieu à l’établissement d’un échéancier concret pour le retour à l’équilibre budgétaire.  

Selon le plus récent rapport sur la viabilité financière du directeur parlementaire du budget (DPB), le gouvernement ne prévoit pas atteindre l’équilibre budgétaire avant 2040. Cette situation est loin d’être idéale et même préoccupante.  

Dans son rapport, le DPB conclut que la politique budgétaire est viable à long terme, tout comme les régimes de retraite publics, dont les surplus démesurés ont récemment fait les manchettes. Toutefois, cette conclusion ne prend pas en considération les provinces et les territoires qui ne sont pas financièrement viables, leurs dépenses en soins de santé ayant augmenté plus rapidement que leurs recettes. 

L’unique solution consisterait à réaffecter les fonds, fort probablement par le biais de transferts en santé. Ceci aurait inévitablement une incidence négative sur la situation financière du gouvernement fédéral : d’où l’importance pour celui-ci d’établir une cible budgétaire robuste.  

Les prévisions à long terme doivent demeurer prudentes, car l’effet cumulatif de toute hypothèse imprécise peut amplifier l’incertitude avec le temps. Dans ce cas-ci, on a supposé que la productivité du travail croîtra à un rythme légèrement inférieur à la moyenne observée de 1982 à 2019, alors qu’elle n’a connu aucune croissance soutenue depuis 2019. Si cette tendance se maintient, les recettes seront inférieures aux prévisions.  

L’équilibre budgétaire nécessitera une réduction des effectifs  

J’ai déjà mentionné que la croissance des effectifs du gouvernement fédéral est exagérée, et les chiffres les plus récents montrent une augmentation de 3 % en 2024. Cette situation a entraîné une hausse des charges de fonctionnement de près de 40 %, soit 36 G$ depuis la pandémie, et celles-ci ont dépassé de 9 points de pourcentage les paiements de transfert entre 2019 et 2023. Le gouvernement fédéral s’alourdit, et ce, à tous points de vue. Fait intéressant à noter, les coûts de fonctionnement durant la pandémie ont été très faibles par rapport aux paiements de transfert, preuve qu’il est possible d’agir à cet égard.  

Par ailleurs, l’accroissement de l’administration fédérale n’est plus en corrélation avec l’augmentation de la clientèle. À 43 %, le taux de croissance de l’effectif de la fonction publique depuis 2015 est près de trois fois supérieur à celui de la population et de la main-d’œuvre, et le double de celui des entreprises. L’immigration est le seul secteur affichant une croissance comparable à celle de l’effectif fédéral. Il y aurait lieu de se demander si ce gonflement de la fonction publique s’est traduit par une augmentation ou une amélioration des services publics.  

Une réduction des effectifs semble inévitable, et la simple attrition causée par les départs à la retraite que propose le gouvernement dans son budget de 2024 ne suffira pas. Il faut une intervention ciblée auprès des ministères et des organismes qui soit liée à des résultats pour les contribuables et les entreprises. À cette fin, le gouvernement devra communiquer clairement ses intentions afin de maintenir la confiance du public, surtout à l’heure actuelle.  

Il pourrait également s’avérer nécessaire d’effectuer un examen indépendant de la croissance graduelle de l’administration publique au fil du temps. Les organisations doivent périodiquement réajuster leurs priorités et leurs structures, et les gouvernements ne font pas exception à la règle. On n’a qu’à penser au personnel de l’Agence de la santé publique du Canada qui a doublé durant la pandémie. Tout ce personnel est-il encore indispensable en 2024, sachant que les provinces ont leurs propres agences? Je crois qu’un examen attentif permettra de réduire le nombre de doublons à l’échelle fédérale et de réaliser des économies sur les charges de fonctionnement, en particulier celles liées à la gestion des paiements de transfert.   

La récession entraîne des déficits, mais non l’inverse 

J’ai longuement défendu les vertus de la rigueur budgétaire, la pandémie étant l’argument le plus probant. Cet événement imprévu considéré comme un « cygne noir » a entraîné une augmentation de 50 % du ratio de la dette fédérale au PIB. Bien que nous ne vivrons peut-être plus d’événements d’une telle ampleur, nous connaîtrons très probablement d’autres récessions, qui auront forcément une incidence sur les finances publiques.  

Or, les périodes économiques favorables ne donnent pas nécessairement lieu à des surplus. Récemment, elles n’ont même pas réussi à réduire les déficits. L’économie a étonnamment bien résisté à la hausse des taux d’intérêt, mais les recettes excédentaires ont toutes été dépensées et les déficits sont restés stables à 40 G$. La prudence est de mise.  

Ce ne sont pas les moyens de dépenser qui manquent, et c’est au gouvernement et à l’administration publique qu’il incombe de faire preuve de rigueur budgétaire. Le gouvernement n’envoie assurément pas le bon signal aux électeurs et au secteur privé en plaçant l’équilibre budgétaire au second plan. Lorsqu’il s’agit de dépenser, il faut être tout sauf négligent.