Le budget fédéral cible les nantis pour compenser les dépenses liées au logement
Le budget de 2024 du gouvernement fédéral a pour thème central un plan visant à résoudre la crise de l’abordabilité du logement – plan qui sera financé en partie par l’instauration d’une nouvelle mesure fiscale.
Dans le budget déposé le 16 avril, le fédéral a promis des mesures se chiffrant à quelque 50 milliards de dollars de nouvelles dépenses. Environ la moitié de ce montant proviendrait de nouvelles mesures fiscales, tandis que l’autre moitié découlerait de recettes publiques plus élevées que prévu et d’un alourdissement de la dette de 10 milliards de dollars.
Les experts en fiscalité, en politiques publiques et en économie de CPA Canada ont épluché le document de 500 pages afin d’en dégager les éléments les plus pertinents pour les membres de la profession comptable.
Voici certains des points saillants :
Responsabilité budgétaire
Selon les perspectives économiques du gouvernement, il faut prévoir des recettes accrues allant dans le sens des vues les plus optimistes de son Énoncé économique de l’automne, dans lequel on préparait le terrain pour les nouvelles dépenses. Ces dépenses annulent les revenus en hausse, estime David-Alexandre Brassard, économiste en chef à CPA Canada.
« Le gouvernement n’a pas fait l’impasse sur ses cibles budgétaires les plus fragiles, comme la baisse à long terme du ratio de la dette au PIB, poursuit-il. Il n’a pas démontré la discipline nécessaire pour que l’amélioration des perspectives économiques se traduise par des déficits moindres. Or, la croissance du PIB nominal a été suffisamment importante pour entraîner une diminution globale du ratio de la dette au PIB. »
Le gouvernement a choisi d’augmenter les dépenses de plus de 50 milliards de dollars sur cinq ans en les saupoudrant sur de multiples priorités, et a majoré l’impôt sur les gains en capital afin de maintenir les hausses du déficit à 10 milliards de dollars.
Les gains en capital à l’avant-plan
Dans le budget de 2024, on propose de porter de la moitié aux deux tiers le taux d’inclusion annuel des gains en capital des particuliers dépassant 250 000 $. En outre, le taux d’inclusion des sociétés et des fiducies passera automatiquement aux deux tiers le 25 juin.
Cette mesure cible les Canadiens fortunés, mais les membres de la classe moyenne, comme les agriculteurs, les propriétaires d’entreprise ou les propriétaires de chalet qui vendent leurs biens pourraient également être touchés.
« Nous sommes soulagés que le gouvernement n’ait pas augmenté dans son intégralité le taux d’inclusion des gains en capital, mais cette formule à deux paliers vient complexifier encore davantage le régime fiscal canadien », estime John Oakey, vice-président, Fiscalité, à CPA Canada.
Autres mesures fiscales notables
Incitatif aux entrepreneurs canadiens : Cet incitatif réduit l’imposition des gains en capital au moment de la disposition d’actions admissibles, en prévoyant un taux d’inclusion des gains en capital représentant la moitié du taux d’inclusion en vigueur, à concurrence d’un plafond cumulatif de 2 millions de dollars de gains en capital. Pour être admissible, une société doit, entre autres critères, être une société exploitant une petite entreprise au moment de la vente et être une société privée sous contrôle canadien au cours des 24 mois précédant la disposition. Le plafond cumulatif serait mis en œuvre progressivement par tranches de 200 000 $ par année à compter du 1er janvier 2025, jusqu’à ce qu’il atteigne 2 millions de dollars au 1er janvier 2034.
Fiducies collectives des employés : Le gouvernement fédéral présente certaines des conditions pour l’exonération d’impôt de la première tranche de 10 millions de dollars de gains en capital réalisés sur la vente d’actions par un particulier à une fiducie collective des employés. La mesure législative n’a pas été prévue dans le budget.
Crédits d’impôt à l’investissement dans les énergies propres : Dans le cadre du plan visant à offrir des crédits d’impôt à l’investissement dans des initiatives d’énergie propre, les deux propositions suivantes ont été annoncées dans le budget. La mesure législative n’a pas été prévue dans le budget.
- Extraction et traitement des gisements polymétalliques
- Crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre
Impôt minimum de remplacement : Il est proposé de réviser le traitement fiscal des dons de bienfaisance afin de permettre aux particuliers de réclamer 80 % (au lieu de 50 % tel que proposé précédemment) du crédit d’impôt pour dons de bienfaisance dans le calcul de l’impôt minimum de remplacement (IMR).
Pour un résumé plus complet des propositions annoncées dans le budget de 2024, consultez le document de CPA Canada intitulé Mesures fiscales.
Plan du Canada pour le logement
Le Plan du Canada pour le logement, annoncé la semaine dernière, présente la stratégie du gouvernement pour bâtir 3,87 millions de nouveaux logements d’ici 2031. Cette stratégie prévoit un investissement de 400 millions de dollars qui s’ajoutera au Fonds pour accélérer la construction de logements , des plans visant à convertir des terrains publics en logements aux termes du nouveau
Plan pour l’usage de terrains publics à des fins résidentielles, et diverses initiatives visant à construire plus d’appartements destinés à la location, plus rapidement, au moyen du Programme de prêts pour la construction d’appartements et de l’initiative Bâtir au Canada.
« Il y a des limites à ce que nous pouvons construire », prévient David-Alexandre Brassard.
« On ne peut pas reprocher au fédéral son manque d’ambition, mais en affectant trop de nouvelles dépenses au secteur du logement, on risque de gonfler encore davantage les coûts de construction et le prix des logements, ce qui pourrait aller à l’encontre des objectifs d’abordabilité du gouvernement. »
L’IA à l’avant-scène
Le gouvernement présente dans le budget un ensemble de mesures totalisant 2,4 milliards de dollars en vue d’accélérer la croissance de l’emploi dans le secteur de l’IA. Le principal investissement annoncé par le gouvernement est une enveloppe de 2 milliards de dollars visant à renforcer les infrastructures technologiques du Canada, l’accent étant mis sur les chercheurs, les entreprises en démarrage et les entreprises en expansion qui sont à l’avant-garde de l’IA.
Les agences de développement régional recevront 200 millions de dollars pour accélérer l’adoption de l’IA dans des secteurs cruciaux, tandis qu’un financement de 100 millions de dollars sera accordé au programme d’aide à l’IA du PARI du CNRC afin d’aider les petites et moyennes entreprises à mettre au point de nouvelles solutions d’IA.
Le gouvernement investit également 50 millions de dollars pour soutenir les travailleuses et les travailleurs qui pourraient être touchés par l’arrivée de l’IA. Un montant équivalent sera mis de côté afin d’assurer le développement et le déploiement sécuritaires de cette technologie.
Dans ses recommandations prébudgétaires, CPA Canada invite le gouvernement à inscrire la réglementation de l’IA dans ses priorités, notamment en créant un comité du Cabinet chargé de tirer parti des possibilités associées aux technologies émergentes et de relever les défis qu’elles posent.
Selon Rosemary McGuire, vice-présidente, Recherche, orientation et soutien, à CPA Canada, cette initiative tend à répondre aux préoccupations des experts, qui réclament une plus grande réglementation dans ce domaine en plein essor.
« Nous appuyons les politiques qui renforcent la confiance et la reddition de comptes à l’égard de l’IA, ajoute-t-elle. Mais il est difficile d’y arriver en vase clos, sans une action coordonnée, cohérente et globale dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental. »
Lutte contre les crimes financiers
Le gouvernement entend apporter des modifications législatives à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT), au Code criminel, à la Loi de l’impôt sur le revenu et à la Loi sur la taxe d’accise. Les modifications permettraient notamment de renforcer la capacité des autorités compétentes d’échanger des renseignements. Dans le budget de 2024, on propose de verser 1,7 million de dollars sur deux ans, à compter de 2024-2025, au ministère des Finances Canada pour parachever la conception et le cadre juridique de l’Agence canadienne des crimes financiers.
Le texte intégral du budget peut être consulté ici. Le mémoire prébudgétaire de CPA Canada et son document sur les mesures fiscales se trouvent ici.