Les contribuables toujours plongés dans les limbes fiscaux
L’automne s’installe sous un ciel incertain, plusieurs modifications fiscales ayant emprunté un chemin tortueux vers la sanction royale. Et les propositions relatives aux gains en capital et aux exigences de déclaration pour les simples fiducies sont au cœur des préoccupations des contribuables. Le gouvernement ne cesse de perdre des plumes, et la population ne sait plus trop si elle doit se fier aux dispositions en vigueur ou proposées pour préparer ses déclarations de revenus.
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Le projet de loi visant à mettre en œuvre ces propositions n’a pas encore été déposé à la Chambre des communes, et dans le contexte actuel, rien n’indique que la démarche sera couronnée de succès. Le gouvernement minoritaire s’enlise dans les débats sur le privilège parlementaire, et les motions de censure se multiplient.
Dans le budget de 2024, on annonçait que l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital serait en vigueur à compter du 25 juin dernier. Le 23 septembre, le ministère des Finances a déposé un avis de motions de voies et moyens, à la suite d’une courte période de consultation, pour accélérer le processus législatif. Malgré tout, les contribuables risquent de produire leurs déclarations avant l’adoption du projet de loi, voire avant que l’ARC ait mis à jour son programme de cotisation et ses formulaires.
L’ARC autorise depuis longtemps la production de déclarations fondées sur des projets de loi, à condition que l’adoption soit quasi certaine. Dans le cas qui nous occupe, on nage plutôt en plein brouillard. Un chef de file du secteur des logiciels fiscaux a tenu les propos suivants sur son site Web : « L’ARC ne souhaite pas que les contribuables tiennent compte des mesures annoncées, car ses programmes de cotisation ne permettent pas de traiter le taux d’inclusion proposé, pour l’instant. Les changements requis devraient être apportés d’ici la fin de 2024 ou le début de 2025. »
Résultat, les contribuables qui auront déjà produit leurs déclarations devront les revoir en fonction du nouveau taux d’inclusion. Reste à savoir si des intérêts ou des pénalités pourraient s’appliquer.
Difficile aussi d’avoir l’heure juste sur les nouvelles règles de déclaration applicables aux simples fiducies. La liste des types de fiducies tenues de produire une déclaration s’est considérablement allongée depuis l’adoption d’une loi sur la question, en 2022, et les simples fiducies sont du nombre (sauf exception). Les obligations de conformité qui en découlent ont fait l’objet de vives critiques, et une enquête a été ouverte par le Bureau de l’ombudsman des contribuables. L’ARC a donc exempté les simples fiducies des exigences de déclaration pour 2023. Le 12 août 2024, le gouvernement a publié des propositions législatives qui incluent d’importantes modifications techniques visant à limiter la portée des mesures à certaines fiducies simples. Par la même occasion, il propose d’abroger les règles précédentes et d’en instaurer de nouvelles, qui ne s’appliqueraient qu’aux années d’imposition se terminant après le 30 décembre 2025 (année d’imposition 2025). Les simples fiducies seraient exemptées de produire une déclaration pour 2024 – en principe. Dans les faits, les règles précédentes demeureront en vigueur si les propositions ne sont pas adoptées avant la date limite de production des déclarations, soit le 31 mars 2025. Si une telle situation se présente, il faudra que l’ARC fournisse des directives claires aux contribuables. Et le plus tôt sera le mieux.
Seule certitude, l’avenir de ces mesures fiscales s’annonce tout aussi imprévisible que celui du gouvernement fédéral. Le NPD a mis fin à l’entente conclue avec les libéraux, et deux motions de censure ont été déposées récemment. C’est indéniable, le spectre d’une élection plane. Or, si des élections sont déclenchées, les propositions législatives qui n’ont toujours pas été adoptées mourront au feuilleton – le prochain gouvernement devra déposer de nouveau les projets de loi.
Des indications de l’ARC aideraient les contribuables, de même que leurs conseilleurs, à comprendre et à respecter les obligations en vigueur. CPA Canada s’entretient régulièrement avec l’ARC afin d’obtenir des précisions à ce sujet et sur d’autres questions.