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Une série de fils emmêlés
Fiscalité

Notre système fiscal a besoin d’une refonte complète

Il est devenu si compliqué et si difficile de naviguer dans le système fiscal du Canada qu’une refonte s’impose.

Difficile de le nier : le système fiscal canadien devient trop complexe, et les exigences en matière de conformité sont trop difficiles à gérer, tant pour les contribuables que pour l’Administration. Il est grand temps de revoir la Loi de l’impôt sur le revenu. 

D’où vient cette complexité? Les pressions internationales pour lutter contre certains fléaux – planification fiscale abusive, transfert de bénéfices, blanchiment d’argent et financement des activités terroristes – ainsi que les pressions au pays pour redistribuer les richesses, régler le déficit et atténuer l’évitement fiscal et l’évasion fiscale y sont pour quelque chose. Les technologies, qui permettent aux autorités d’exploiter des quantités considérables d’informations, pèsent aussi dans la balance. Sans oublier une tendance croissante : le recours au système fiscal fédéral pour résoudre les problèmes de l’heure, par exemple les perturbations économiques causées par la COVID-19. 

L’évolution de la rédaction législative figure aussi parmi les facteurs en jeu. Les mesures anti-évitement ciblées, mises en œuvre au besoin, laissent la place à des dispositions très vastes, qui touchent tous les contribuables effectuant certaines transactions largement définies, sauf ceux qui répondent à certains critères stricts.  

Des problèmes de rédaction législative concernent également des incitatifs fiscaux comme les crédits d’impôt pour les technologies vertes et les fiducies collectives des employés, dont l’efficacité à promouvoir certains comportements est réduite par les règles pointues et complexes, les contribuables ayant du mal à déterminer s’ils sont admissibles. 

L’arrimage du système à un large éventail d’objectifs qui vont au-delà de la perception des recettes mine ses principes fondamentaux que sont la certitude, la simplicité, l’efficacité et l’efficience, la prévisibilité et l’équité. Les petites entreprises se trouvent désavantagées par rapport aux grandes, plus souvent conseillées par des experts. 

La lourdeur des exigences s’étend de plus en plus. En voici des exemples. 

Déclaration des fiducies 

L’inclusion des simples fiducies dans le champ d’application d’une nouvelle politique visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes a considérablement accru l’incertitude, rendant la conformité si difficile que l’ARC a dû exempter ce type de fiducies pour 2023. Mais comme cette décision a été annoncée à peine quelques jours avant la date limite de production, les contribuables ont déjà déboursé, selon certaines estimations, près d’un milliard en déclarations inutiles. 

Taxe sur les logements sous-utilisés 

La mesure devait soulager la crise du logement en ciblant les propriétés résidentielles vacantes appartenant à des étrangers. Pourtant, leur nombre négligeable est dérisoire au regard de la pénurie. La taxe a néanmoins forcé des Canadiens qui possèdent indirectement leur immeuble résidentiel par l’intermédiaire d’une société, d’une société de personnes ou d’une fiducie à produire des déclarations, ce qui a nécessité des reports de la date limite. CPA Canada a plaidé en faveur de l’exonération de ces propriétaires canadiens; des modifications législatives ont été apportées. 

Règles de divulgation obligatoire 

Selon la définition retenue dans le cadre de ce régime, les « opérations d’évitement » englobent la simple planification fiscale. Des sanctions sévères s’appliquent en cas de non-respect. L’imprécision des règles entraîne des coûts d’administration et de conformité élevés et pousse les professionnels à produire de nombreuses déclarations pour éviter des pénalités. L’ARC a dû élaborer des directives d’interprétation pour débrouiller la situation. 

Règle générale anti-évitement 

Les modifications récentes à la RGAE créent également de l’incertitude, notamment au chapitre des opérations qui manquent considérablement de substance économique. Cette ambiguïté incitera probablement des contribuables et les fiscalistes à produire des déclarations par crainte de pénalités. À la suite de la modification du taux d’inclusion des gains en capital annoncée dans le budget fédéral de 2024, la Direction des décisions en impôt de l’ARC a précisé que la cristallisation d’un gain en capital accumulé dans le seul but de bénéficier du taux d’inclusion actuel ne constituera pas en soi un motif d’application de la RGAE. Vu l’absence potentielle de substance économique dans les opérations de cristallisation, une telle précision peut cependant aggraver la confusion quant à l’application générale de la RGAE.  

Ainsi, les objectifs que l’on souhaite atteindre grâce à une règle fiscale ne doivent pas faire perdre de vue sa portée réelle. Des règles complexes, d’une grande étendue, accroissent les coûts de conformité et le fardeau administratif. Un examen approfondi de la Loi est impératif, comme l’explique CPA Canada dans son mémoire prébudgétaire de 2024. L’organisation y recommande de suivre, en matière de politiques et d’administration fiscales, une approche fondée sur des principes, qui puise dans une raison d’être et incarne une vision. Un tel examen permettra d’asseoir le système fiscal sur les bons principes de base, afin de juguler les coûts de conformité et d’assurer aux contribuables la simplicité, l’équité et la prévisibilité attendus.