L’essor des placements ESG est synonyme d’occasions pour les CPA
Les CPA vont jouer un rôle essentiel à mesure que les initiatives ESG se généraliseront et qu’elles seront intégrées aux cadres organisationnels. (Getty Images/Westend61)
Certains investisseurs ayant qualifié la pandémie en cours de « première crise de durabilité » du XXIe siècle, on observe un intérêt accru pour les préoccupations liées aux changements climatiques et les mesures socialement responsables.
En particulier, l’année dernière, les stratégies d’investissement durable se sont multipliées, les investisseurs ayant exigé que l’on accorde plus d’attention aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
« La pandémie n’a pas ralenti l’élan d’intérêt envers les changements climatiques et le souci de durabilité. Au contraire, elle l’a même amplifié », explique Charles-Antoine St-Jean, président et chef de la direction de CPA Canada. « L’urgence d’agir se traduit par des actions du côté de la présentation d’information aux actionnaires. À l’évidence, nous sommes dans une période charnière. »
L’élan pour l’investissement ESG ressort clairement d’un récent sondage de RBC Gestion mondiale d’actifs, qui montre que 75 % des investisseurs institutionnels intègrent les critères ESG à leur processus de placement, par rapport à 70 % en 2019. En outre, 84 % des répondants estiment que les portefeuilles intégrant les critères ESG produiront des rendements aussi bons sinon meilleurs que ceux des portefeuilles qui en font abstraction.
Par ailleurs, selon Morningstar, une société américaine de services financiers et de recherche sur les investissements, les fonds communs de placement et fonds négociés en bourse respectant les critères ESG, au Canada, ont connu une croissance de 67 % en 2020.
Selon des experts, les CPA doivent garder les yeux sur une cible mouvante. Ils se rendent compte du rôle que joue la comptabilité dans les placements ESG et de la façon dont les informations d’entreprises doivent être adaptées pour faire état du souci de durabilité.
Voici quatre idées que les CPA doivent garder à l’esprit, en cette époque où les considérations ESG gagnent en importance.
1) SAISIR L’OCCASION
Les CPA peuvent jouer – et joueront effectivement – un rôle crucial au fur et à mesure que les initiatives ESG se généraliseront et seront intégrées à la stratégie organisationnelle, affirme Davinder Valeri, directrice, Stratégie, risques et gestion de la performance, à la division Recherche, orientation et soutien de CPA Canada. Les rôles iront de la gouvernance d’entreprise à la préparation de rapports et à la certification, en passant par l’évaluation des risques.
« Une grande partie de ce qui est nécessaire, en ce qui a trait aux facteurs ESG ou à la durabilité en général, concerne la transparence de la prise de décisions, dit-elle. Comme les attentes des parties prenantes continuent d’évoluer, les CPA sont tout désignés pour aider les entreprises à naviguer à travers la complexité de ces questions. »
Selon PwC, près de 60 % des actifs des fonds communs de placement seront axés sur les ESG d’ici 2025. Au fur et à mesure que les attentes des investisseurs vont évoluer, soutient Mme Valeri, les CPA devront tenir compte du mouvement et se tenir au courant des faits nouveaux, des rôles assumés par les comptables et de la façon dont leurs compétences peuvent être mises à profit (ou développées) pour contribuer à ce mouvement.
« Voilà une occasion à saisir pour les CPA, tant à court qu’à long terme, car les enjeux ESG ne sont pas près de disparaître, affirme Davinder Valeri. Et je souligne au passage que Peter Bakker [chef de la direction du World Business Council on Sustainable Development] pense que les comptables peuvent sauver le monde. Ce n’est pas rien! »
2) REVOIR LA PRÉSENTATION D’INFORMATION FINANCIÈRE POUR TENIR COMPTE DE LA DURABILITÉ
Récemment, les chefs de la direction des huit plus importantes caisses de retraite du pays (dont les actifs sous gestion représentent au total quelque 1 600 G$) ont lancé un appel aux entreprises et aux investisseurs institutionnels pour qu’ils présentent de l’information ESG cohérente et complète, afin de renforcer la prise de décisions et de mieux évaluer et prendre en compte l’exposition aux risques ESG.
Cette déclaration souligne l’urgence d’améliorer les rapports sur le développement durable afin de garantir la transparence, tout en instaurant (et en maintenant) la confiance des investisseurs et du grand public. L’évaluation précise des efforts ESG d’une entreprise va bien au-delà des rapports traditionnels et exige un type d’analyse plus large, qui intègre une perspective multipartite, et sur le long terme.
« Nous devons établir ce que nous mesurons réellement lorsqu’il est question de notre empreinte globale, pour la population en général, les administrations, les investisseurs et l’ensemble des marchés financiers », affirme Martin Charbonneau, vice-président, Comptabilité d’entreprise, à la Caisse de dépôt et placement du Québec. « Comment obtenir les données dont nous avons besoin pour communiquer aux intéressés ce qui est fait et intégrer les risques et occasions ESG dans nos processus en vue de l’élaboration de stratégies efficaces au moment opportun? Les informations sont de plus en plus précises et de plus en plus pertinentes, mais l’information relative à la durabilité doit continuer d’évoluer et de mûrir. »
Cette évolution, ajoute Mme Valeri, dépendra largement de l’établissement de normes mondiales, définies dans un esprit de collaboration par des organismes de normalisation et de réglementation ainsi que par les États du monde entier – des normes auxquelles les organisations de toutes tailles et de tous secteurs peuvent adhérer.
« Un ensemble de normes comparables et cohérentes permettra aux entreprises de gagner la confiance du public, car on atteindra alors une plus grande transparence concernant leurs initiatives axées sur la durabilité », dit Mme Valeri.
3) SE FAIRE LE PORTE-ÉTENDARD DE NORMES DE PRÉSENTATION MONDIALES
Une solution mondiale pour améliorer la cohérence et la comparabilité des rapports ESG pourrait bien voir le jour, pour éviter l’approche fragmentaire actuelle. Un nouvel ensemble de normes de présentation d’information ESG s’appuierait sur les travaux d’organismes internationaux tels que le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC) du Conseil de stabilité financière, le Sustainability Accounting Standards Board (SASB) et la Global Reporting Initiative (GRI), dont les normes ont été reconnues et même adoptées par des entreprises d’un peu partout dans le monde.
« Une solution mondiale apportera discipline et rigueur au processus de présentation d’information sur les critères ESG, fait remarquer Mme Valeri. Et la profession comptable est prête à aider le Canada et le monde à y parvenir. »
L’International Financial Reporting Standard (IFRS) Foundation est le fer de lance d’une initiative visant à instaurer des normes mondiales concernant les critères de durabilité. L’automne dernier, elle a publié un document de consultation pour sonder l’appétit pour des normes mondiales et pour déterminer l’intérêt pour la création d’un nouveau conseil, le Sustainability Standards Board (SSB).
Dans sa réponse à l’IFRS Foundation, CPA Canada insiste sur les façons d’améliorer la qualité des rapports de durabilité, à l’échelle mondiale. Au nombre de ses recommandations : l’élaboration rapide de normes de présentation de haute qualité; l’adaptation des exigences pour alléger le fardeau des petites organisations (dont les ressources sont limitées); ainsi que la collaboration avec les organismes existants, notamment le SASB et la GRI, déjà actifs dans ce domaine.
« Les leaders du monde des affaires, de la politique et de la réglementation soutiennent pleinement cette proposition et sont en faveur de l’élaboration d’un ensemble unique de normes de présentation d’information sur le développement durable qui seraient cohérentes et reconnues à l’échelle mondiale », explique Mme Valeri.
Selon l’IFRS Foundation, une décision définitive au sujet du nouveau Sustainability Standards Board pourrait être prise dès cet automne, ce qui ferait augmenter l’importance des rapports traitant de développement durable.
4) S’ASSURER D’UNE ACTION SIGNIFICATIVE
En fin de compte, les efforts d’hier qui étaient axés sur le bien appartiennent au passé, pense Davinder Valeri. Une évolution nécessaire en matière de reddition de comptes et de crédibilité est en train de se produire.
« Les entreprises ne peuvent plus se contenter de faire état de leurs “bonnes actions” dans leur rapport de responsabilité sociale. Elles doivent présenter leurs efforts axés sur la durabilité dans leurs documents de nature financière et concrétiser leur gestion intégrée. Cela les amène à faire état de leurs risques, de leur stratégie, de leur performance et de leur valeur sur le long terme », explique la CPA.
« Les entreprises qui ont investi dans la publication de données ESG avec une optique intégrée en récoltent les fruits; et à n’en pas douter, les CPA sont de bon conseil en matière de prise de décisions stratégique, de mesure de la performance et d’intégrité des données; ils savent orienter les entreprises dans la voie de la transparence. »
M. Charbonneau abonde dans ce sens et ajoute que, pour exercer leur influence, les comptables professionnels doivent également définir leur créneau dans ce domaine en émergence.
Les exigences liées aux critères ESG vont enrichir le rôle des CPA, et à ce propos, Charles-Antoine St-Jean a mentionné que la profession comptable canadienne voudra jouer un rôle dans l’élaboration des normes mondiales de présentation d’information axée sur la durabilité. « Nous saurons tirer parti de notre vaste expérience et de notre grande expertise en normalisation », prévoit-il.
EN SAVOIR PLUS SUR LA PRÉSENTATION D’INFORMATION FINANCIÈRE ESG
Consultez les nombreuses ressources de CPA Canada qui donnent un aperçu de l’information à fournir sur les questions environnementales et sociales ainsi que des considérations permettant aux entreprises d’évaluer l’importance relative des enjeux liés aux changements climatiques. Lisez également la réponse de CPA Canada au document de consultation de l’IFRS Foundation sur l’information concernant la durabilité.