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Un homme nettoie une cloche géante qui montre une vue de la montagne.
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Magazine Pivot

Des CPA font preuve d’innovation pour lutter contre les changements climatiques

Afin de surmonter la crise climatique, des comptables mettent à profit leurs compétences pour lancer ou épauler des entreprises citoyennes.

Un homme nettoie une cloche géante qui montre une vue de la montagne. Grâce à leurs compétences, les CPA contribuent à créer des environnements où l’innovation est possible. (iStock)

Nombre de sombres perspectives qui découlent du dérèglement climatique jettent le désarroi dans les esprits. Heureusement, en coulisse, des CPA fondent et soutiennent des entreprises citoyennes déterminées à résoudre cette crise. Débordante d’innovations et en plein essor, l’économie verte voit croître des sociétés aux objectifs ambitieux et aux moyens techniques nécessaires pour les réaliser.

Au Canada, qu’il s’agisse d’exploiter des sources d’énergie propre, de concevoir des piles durables ou d’extraire le CO2 de l’atmosphère, le secteur de l’énergie n’a rien à envier à personne. Et si les ingénieurs et les scientifiques brillent en R-D, les CPA, eux, mettent à profit leur vaste bagage de connaissances et de compétences pour créer un contexte financier propice à l’innovation.

Soyons optimistes : voici cinq CPA qui participent aux efforts de l’humanité pour surmonter la crise climatique en favorisant des percées scientifiques et technologiques parmi les plus importantes du XXIe siècle.

Photo de Nicole Ballestrin Nicole Ballestrin
Directrice financière, e-Zinc, Toronto

Certains apprécient la stabilité et la sécurité; Nicole Ballestrin mise plutôt sur la nouveauté. « J’aime la variété, les défis et les découvertes. Dans chacun de mes emplois à temps plein, j’ai fini par avoir l’impression de plafonner. »

En 2017, elle a quitté un poste de haut niveau : chef des ressources humaines et directrice financière des activités canadiennes chez McKinsey & Company. Logiquement, elle aurait ensuite occupé un poste d’envergure mondiale. « Mais j’ai deux enfants, et les nombreux déplacements auraient nui à ma vie de famille », explique-t-elle. Après avoir travaillé un an au CFO Centre, un réseau de directeurs financiers, elle a fondé Aspire CFO, un cabinet entièrement féminin, avant de travailler pour e-Zinc, à temps partiel toujours.

Mise sur pied par Gregory Zhang en 2012, l’entreprise entend révolutionner le stockage d’énergie en remplaçant le lithium par le zinc, plus sûr, plus abordable, plus durable et recyclable. Elle s’impose dans le domaine des piles, mais sa technologie est encore en gestation.

Si les efforts d’e-Zinc s’avèrent fructueux, il s’agira d’un tournant en matière d’énergie renouvelable. En effet, les réseaux électriques traditionnels sont tributaires d’un carburant fiable, mais l’énergie renouvelable est essentiellement intermittente. Le soleil ne brille pas la nuit, les éoliennes fonctionnent au bon gré du vent, et ainsi de suite. Quant aux piles aux ions de lithium, elles sont coûteuses et pas assez durables pour être intégrées aux réseaux. Mais si ceux-ci pouvaient stocker l’énergie de manière sûre et abordable, le passage aux énergies renouvelables deviendrait alors réalisable.

« J’ai besoin de croire à la vocation d’une entreprise et de sentir que je contribue à la société, que je fais œuvre utile », fait observer Nicole Ballestrin. Elle a vite adhéré à la mission d’e-Zinc, et depuis qu’elle est à la barre des finances, les subventions ont augmenté considérablement d’une année à l’autre. En décembre 2021, la société d’investissement Anzu Partners a mené une opération de financement de série A de 25 M$ US pour soutenir la R-D et la mise en marché. Cette année, e-Zinc amorcera un premier projet commercial avec Toyota.

L’entreprise verte convient pleinement à la nature citoyenne de Nicole Ballestrin, mais il s’agit aussi d’une question de principe. « En tant que directrice financière, j’aborde l’écologie un peu comme lorsqu’on cherche à réaliser des gains d’efficience. J’ai naguère été en conflit avec des dirigeants qui gaspillaient les ressources financières et autres. À l’inverse, e-Zinc gère consciencieusement ses finances, son personnel et sa mission. Pour moi, l’énergie verte représente presque une approche psychologique de mon travail; à cet égard, e-Zinc et moi sommes en parfaite harmonie. »

 Photo de Susan Koch Susan Koch
Directrice de l’exploitation et vice-présidente, Carbon Engineering, Vancouver

Susan Koch s’y connaît en jeunes pousses de technologies propres : en tant que directrice financière, elle a travaillé pour des entreprises axées sur les piles à combustible pour véhicules électriques et la fusion nucléaire. Aujourd’hui, au sein d’une entreprise de commercialisation d’une technologie de capture du dioxyde de carbone (CO2), elle est la preuve vivante que le travail de comptable est loin d’être ennuyeux comme le veut le stéréotype.

« C’est un milieu stimulant. Ce genre d’entreprise attire des personnes qui souhaitent changer les choses. J’aime côtoyer des ingénieurs et des scientifiques : ils sont intelligents, curieux et pleins d’idées intéressantes. »

Si Susan Koch excelle en tant que responsable des finances, c’est en partie grâce à son désir d’approfondir ses connaissances en science. « Dans tous mes emplois, j’ai dû m’efforcer de comprendre les incertitudes et les obstacles techniques à surmonter avant qu’on puisse mettre en marché une technologie. C’est ce qui rend le travail intéressant. Je ne pourrais évidemment pas rivaliser avec un physicien, mais en lisant et relisant La physique pour les nuls, j’ai fini par en savoir suffisamment pour parler avec compétence de la capture du carbone ou de la fusion nucléaire avec un avocat ou un comptable. »

On peut comparer la capture du carbone à un genre d’arbre industriel, explique Susan Koch. Les feuillus absorbent le CO2. C’est leur rôle dans le cycle du carbone, mais ils ne peuvent soutenir le rythme auquel les êtres humains émettent ce gaz dans l’atmosphère. « Notre technologie élimine le carbone de l’air par capture atmosphérique directe, ou CAD. On peut ensuite l’emprisonner dans des réservoirs souterrains, ou l’utiliser pour produire des carburants non polluants. »

La technologie ayant fait ses preuves, il reste à la mettre en vente à grande échelle. La demande dépend en partie de politiques publiques favorables aux technologies propres. La viabilité commerciale de la CAD dans un territoire donné doit être soutenue par des politiques climatiques de tarification des émissions de CO2 ou d’incitation à sa capture. Par exemple, la norme californienne sur les carburants à faible teneur en carbone accorde désormais des crédits pour chaque tonne métrique de CO2 éliminée et emprisonnée de manière permanente.

Cette norme et le programme américain de crédit d’impôt 45Q ont favorisé l’expansion de Carbon Engineering aux États-Unis. En partenariat avec la société 1PointFive, l’entreprise mène un vaste projet dans le bassin permien du Sud-Ouest américain. Une fois réalisé, ce projet devrait permettre d’éliminer un million de tonnes de CO2 par an. D’autres du même genre existent au Canada, au Royaume-Uni et ailleurs.

D’ici leur concrétisation, il y a fort à parier que la soif d’apprendre de Susan Koch et sa passion pour le secteur continueront d’inciter l’entreprise à développer sa technologie pour faire face au défi climatique. « Je prendrai probablement ma retraite avant d’avoir appris tout ce que je veux apprendre, plaisante-t-elle. Dans chaque entreprise où j’ai travaillé, j’ai eu l’impression de décrocher un nouveau MBA! »

Photo de Vimali Pathmanathan Vimali Pathmanathan
Directrice des finances, Opus One Solutions, Toronto

En décembre 2021, GE Digital a fait l’acquisition d’Opus One Solutions, une entreprise qui conçoit des logiciels visant à faciliter la transition des réseaux électriques aux énergies renouvelables. Vimali Pathmanathan, contrôleuse fraîchement promue directrice des finances d’Opus One, a collaboré avec l’équipe de contrôle diligent de GE Digital. Elle n’a pas lésiné sur la tâche, mais c’est en partie pour mettre à profit ses compétences de CPA et contribuer concrètement au changement qu’elle voulait travailler dans une jeune pousse axée sur les technologies propres.

« Quand je suis arrivée, en 2017, Opus One comptait une vingtaine d’employés. Aujourd’hui, nous sommes une centaine et faisons partie de la grande famille de GE Digital. À l’époque, le directeur financier avait choisi de miser sur la croissance avant d’établir un service des finances. Mais dans le cas d’une jeune pousse écolo, l’argent est le nerf de la guerre : il dicte les décisions courantes de l’entreprise. »

Vimali Pathmanathan s’est surtout consacrée à l’expertise comptable en début de carrière. Elle aimait son travail, mais déplorait de ne pouvoir intervenir qu’après coup. « Chez Opus One, j’ai un rôle à jouer dans la prise de décisions. Le chef de la direction considère le service des finances comme son bras droit. Je détermine, par exemple, si nous disposons des fonds et du personnel suffisants pour développer une gamme de produits. C’est un travail passionnant. »

Les logiciels d’Opus One servent à mettre à niveau les réseaux électriques en y greffant des sources d’énergie renouvelable (solaire ou éolienne). Une façon de procéder consiste à concevoir un réseau exploitant diverses sources, contrairement à ce qui se fait dans une centrale thermique classique. Un réseau décentralisé offre le grand avantage d’intégrer des sources d’énergie associées aux utilisateurs, comme des panneaux solaires résidentiels. Les particuliers et les entreprises sont ainsi encouragés à investir dans les énergies renouvelables.

Une bonne nouvelle pour la décarbonation, mais sur le plan technique, l’exploitation d’un réseau décentralisé est beaucoup plus complexe que celle d’un réseau traditionnel. Or le produit phare d’Opus One (la plateforme GridOS), fondé sur la modélisation avancée des données, permet aux entreprises de services publics de surveiller et de gérer des réseaux décentralisés pour des sociétés comme AusNet Services (Australie), SP Energy Networks (Royaume-Uni) et Elexicon Energy (Ontario).

Au moment de briguer le poste de contrôleuse, Vimali Pathmanathan ne comprenait pas vraiment la mission d’Opus One, mais elle était attirée par la croissance rapide du secteur. Cinq ans plus tard, elle connaît bien la technologie développée par l’entreprise. « Les changements climatiques nous touchent tous. J’y pense constamment. J’ai évolué depuis mon arrivée à Opus One, et sa mission me tient de plus en plus à cœur. Après tout, nos activités peuvent avoir une incidence directe sur l’avenir de la planète! »

Profile image of Harold Burgess Harold Burgess
Contrôleur, Ekona Power, Vancouver

Avant d’entrer à Ekona Power, en 2020, Harold Burgess a occupé des postes d’importance croissante dans divers secteurs : tourisme d’accueil, industrie minière, services juridiques, fabrication et distribution. Un de ses premiers faits d’armes : en quelques années seulement, il est passé de directeur du crédit à contrôleur adjoint des hôtels Fairmont.

Il estime devoir sa réussite à l’obtention du titre de CPA. « La valeur du titre est reconnue, tout comme l’apport que peut fournir une personne possédant ces compétences. » Il ajoute que l’un des principaux enseignements qu’il a tirés de sa formation de CPA est l’avantage qu’offre une conception globale des finances.

« On dit que les comptables se concentrent sur les chiffres, sans plus, mais je me suis toujours efforcé de considérer l’ensemble d’une organisation : RH, TI, exploitation, comptabilité. Je veux savoir d’où viennent les chiffres. C’est une passion chez moi, et elle m’a permis de mieux comprendre chaque milieu où j’ai travaillé. »

Harold Burgess a de tout temps été attiré par les valeurs citoyennes et le potentiel de croissance des technologies propres. Il possède aussi une connaissance approfondie de la technologie mise au point par Ekona : une nouvelle méthode pour produire à faible coût de l’hydrogène propre à utiliser dans les domaines du raffinage du pétrole et de la valorisation du pétrole brut. « Grâce à la pyrolyse du méthane par impulsions, on convertit le gaz naturel en hydrogène et en glace sèche (du dioxyde de carbone à l’état solide), ce qui élimine pour ainsi dire les émissions de CO2. »

Pour Harold Burgess, travailler dans le domaine des technologies propres n’est pas qu’une voie intéressante à explorer, mais bien une question d’héritage. « Je veux que mes enfants aient un bel avenir et vivent dans un monde sûr, où les ressources naturelles ne sont pas surexploitées. C’est en grande partie ce qui me motive : agir maintenant pour bâtir quelque chose à léguer aux générations futures. »

Photo de Greg TwinneyGreg Twinney
PDG, General Fusion, Burnaby (C.-B.)

Il y a quelques années, Greg Twinney a préparé un PAPE pour une entreprise technologique, un jalon important pour un chef des finances. Le lancement a coïncidé avec la journée « Emmenez vos enfants au travail », et il était ravi que sa fille aînée puisse y être.

« J’étais sur scène avec le chef de la direction, l’assistance était enthousiaste, et j’étais très fier, se souvient-il. Quand j’ai demandé à ma fille ce qu’elle en pensait, sa réaction a été plutôt tiède. J’étais décontenancé. “Pourquoi réagis-tu comme ça?”, ai-je dit. “Vous pensez seulement à l’argent. À quoi bon?”, m’a-t-elle répondu. Ç’a été un sacré coup de semonce. »

Greg Twinney avait déjà plusieurs postes de cadre supérieur en finances à son actif. Après l’épisode du PAPE, il est resté dans le secteur technologique pendant quelques années (comme directeur financier puis directeur de l’exploitation à Hootsuite), mais la réaction de sa fille le hantait. « Malgré la réussite financière et tout le reste, j’étais insatisfait. Je voulais faire quelque chose pour l’environnement. Lorsque j’ai découvert, par l’entremise d’un chasseur de têtes, les activités de General Fusion, j’ai été séduit par la possibilité d’exercer une influence bien réelle, au-delà du simple aspect financier. »

La mission de General Fusion est pour le moins ambitieuse : produire de l’énergie non polluante à moindre coût que dans le cas d’une centrale alimentée au charbon. La technologie existe déjà : elle repose sur la fusion nucléaire, soit la formation à partir de deux noyaux légers d’un noyau plus lourd, phénomène qui s’accompagne de la libération d’énergie (à ne pas confondre avec la fission nucléaire, exploitée dans les centrales nucléaires, qui est l’inverse).

Les recherches sur la fusion nucléaire remontent aux années 1930. Le développement à grande échelle en vue d’une distribution viable représente un énorme défi d’ingénierie, que General Fusion affirme être en voie de relever. En 2021, l’entreprise a annoncé un partenariat public-privé qui devrait se solder par l’ouverture d’une usine pilote d’ici 2027.

Selon Greg Twinney, on ne saurait surestimer l’incidence potentielle de ce projet s’il aboutit. Voilà pourquoi il y voit le couronnement de compétences acquises en 27 ans de carrière. « J’ai déjà mobilisé des capitaux, développé des infrastructures, commercialisé des produits et formé des équipes compétentes, dit-il. La fonction finance a la particularité exceptionnelle d’être le fil conducteur qui lie tous les volets d’une entreprise. Je possède l’expérience nécessaire et je m’en réjouis, car sa mise en application à General Fusion fera sans doute pâlir tout ce que j’ai fait auparavant. »

Le défi est de taille, mais pour Greg Twinney, le jeu en vaut largement la chandelle. « Commercialiser la fusion nucléaire ne sera pas une mince affaire, mais l’objectif est une puissante motivation. Je dis souvent aux investisseurs qu’il existe des façons plus simples, mais moins valorisantes, de faire de l’argent. Nous sommes enfermés dans des laboratoires depuis longtemps : le moment est venu de développer cette technologie et d’en démontrer l’incroyable potentiel. »

Crédits photographiques : Alana Paterson (Koch, Burgess, Twinney); Aaron Wynia (Ballestrin, Pathmanathan)

Cet article a été mis à jour le 9 septembre 2022 pour corriger le titre du poste de Greg Twinney.

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