Nouvelles règles de TPS/TVH relatives aux ventes en ligne
Pour bon nombre d’entre nous, la pandémie de COVID-19 est synonyme de confinement; par voie de conséquence, on observe depuis l’an dernier une flambée des achats en ligne. Dans son Énoncé économique de l’automne, le gouvernement du Canada déclarait justement que le commerce de détail électronique avait augmenté de près de 70 % au cours des huit premiers mois de 2020.
Or, le régime de taxes de vente actuel remonte à l’époque où l’économie reposait strictement sur le commerce traditionnel. Aujourd’hui, le gouvernement craint que les règles applicables aux opérations numériques pénalisent les entreprises canadiennes par rapport à leurs concurrents étrangers.
Toujours dans son Énoncé économique, le gouvernement fédéral a lancé une consultation sur des propositions législatives, qui visent une application juste et efficace de la TPS/TVH dans une économie numérique en pleine croissance.
À CPA Canada, nous sommes favorables à l’application générale de la TPS/TVH aux plateformes et aux fournitures numériques des entreprises étrangères, mais avons quelques réserves sur le nouveau régime, tel qu’il est proposé. Ces réserves sont exprimées dans notre mémoire au gouvernement, qui tient compte de l’apport du Comité de CPA Canada sur les impôts indirects et d’autres parties prenantes.
Dans ce billet, nous présentons les propositions du gouvernement ainsi que nos commentaires à leur sujet. Compte tenu de la complexité de ces règles, nous vous invitons à consulter les observations de l’Énoncé économique, les propositions législatives et la foire aux questions de l’Agence du revenu du Canada (ARC).
SURVOL DES RÈGLES PROPOSÉES SUR L’APPLICATION DE LA TPS/TVH RELATIVEMENT À DES FOURNITURES PAR VOIE ÉLECTRONIQUE
Telles que proposées, les règles sur la TPS/TVH, qui entreraient en vigueur le 1er juillet 2021, s’appliqueraient de façon générale aux entreprises étrangères qui vendent des produits ou des services aux consommateurs canadiens, dont :
- des produits et services numériques transfrontaliers;
- des biens fournis par l’entremise d’entrepôts de distribution au Canada;
- des logements provisoires offerts par l’entremise d’une plateforme numérique.
Produits et services numériques transfrontaliers
Actuellement, les fournisseurs étrangers ne sont généralement pas tenus de percevoir la TPS/TVH s’ils n’ont pas de présence physique au Canada et qu’ils vendent des produits ou des services par voie électronique aux consommateurs canadiens. À la place, il revient au consommateur de s’autocotiser et de verser à l’ARC la TPS/TVH sur la valeur de ces produits ou services, s’il réside au Canada et s’il est tenu de le faire. Les fournisseurs canadiens, eux, sont tenus de percevoir la TPS/TVH sur ces produits et services, ce qui rend ceux-ci plus dispendieux et moins concurrentiels.
Pour rendre les règles du jeu plus équitables, le gouvernement propose d’assujettir à un nouveau régime simplifié les fournisseurs étrangers en ligne et les exploitants de plateformes numériques (p. ex. marchés en ligne) qui n’ont pas de présence physique au Canada. Ainsi, les vendeurs qui dépassent le seuil d’inscription de 30 000 $CA seraient tenus de s’inscrire à la TPS/TVH, de la percevoir et de la verser sur certaines opérations taxables, dont la vente de produits et services par voie électronique (p. ex., applications mobiles, diffusion de musique et de films en continu) aux consommateurs canadiens.
En vertu de ces règles, les exploitants de plateformes et les fournisseurs non résidents seraient tenus de percevoir la TPS/TVH sur les ventes à des clients canadiens qui ne sont pas inscrits à la TPS/TVH. Pour ce faire, ils devraient instaurer des processus pour obtenir les renseignements relatifs à l’inscription à la TPS/TVH et établir le lieu de résidence de l’acheteur, le but étant de déterminer le taux de TPS/TVH à appliquer. Pour cette raison, le processus sera plus complexe que celui des autres pays, qui appliquent un seul taux de taxe à la valeur ajoutée (TVA).
Dans le cadre du régime simplifié, les fournisseurs non résidents ne seraient pas tenus de percevoir la TPS/TVH auprès des clients qui y sont déjà inscrits. En revanche, ils ne pourraient pas demander de crédit de taxe sur les intrants (CTI) pour la TPS/TVH de leurs propres dépenses.
Si un fournisseur ou un exploitant de plateforme perçoit la TPS/TVH par erreur auprès d’un client inscrit à la taxe de vente, c’est ce dernier qui devra lui demander un remboursement, puisqu’il ne pourra pas obtenir de CTI ni de remise auprès de l’ARC. Nous avons demandé au gouvernement de revoir cette façon de faire, qui s’est révélée problématique dans le cadre de la nouvelle taxe du gouvernement du Québec.
L’ARC n’a pas encore expliqué le déroulement du processus d’inscription au régime simplifié. Par exemple, nul ne sait si les numéros d’inscription au régime simplifié de TPS/TVH seront différents de ceux du régime habituel ni de quelle façon ils seront émis.
Les fournisseurs non résidents et les exploitants de plateformes visés pourront, s’ils le souhaitent, s’inscrire au régime habituel de la TPS/TVH pour être assujettis à l’ensemble des règles habituelles de la TPS/TVH.
Biens fournis par l’entremise d’entrepôts de distribution
Les mêmes questions d’équité s’appliquent lorsqu’un Canadien achète des biens auprès d’un fournisseur en ligne ou d’une plateforme numérique qui n’a pas de présence physique au Canada, mais qui stocke ses biens dans des entrepôts de distribution au Canada. Même si l’importation est assujettie à la TPS/TVH, l’acheteur canadien ne la paie pas sur le prix de vente final. En revanche, les fournisseurs en ligne qui sont situés au Canada doivent percevoir la TPS/TVH sur le prix final, alors qu’ils utilisent les mêmes plateformes numériques et les mêmes entrepôts de distribution.
Par conséquent, le gouvernement propose d’imposer la TPS/TVH à la vente, à des Canadiens, de produits situés dans des entrepôts de distribution au Canada, que ce soit par l’intermédiaire de fournisseurs non résidents ou d’exploitants de plateformes numériques. Dans la mesure où leurs ventes dépassent le seuil de 30 000 $ par période de 12 mois, ces fournisseurs et ces exploitants seraient tenus de s’inscrire au régime habituel de la TPS/TVH, puis de percevoir et de verser la taxe chaque fois qu’ils vendent, à des Canadiens, des biens situés dans des entrepôts de distribution au Canada.
Les exploitants de plateformes numériques devront produire une déclaration annuelle auprès de l’ARC dans les six mois suivant la fin de l’année civile en question. Pour leur part, les entrepôts de distribution devront informer l’ARC qu’ils exercent ce type d’activité. Ils auront également l’obligation de tenir des registres sur leurs clients non résidents ainsi que sur les biens qu’ils entreposent pour leur compte.
Logements provisoires offerts par l’entremise d’une plateforme numérique
De nombreux propriétaires ont recours à des plateformes numériques pour louer leur résidence, mais sans percevoir de TPS/TVH – soit parce qu’ils ignorent les règles, soit parce que leurs revenus de location sont inférieurs au seuil d’inscription, qui est de 30 000 $. Les hôtels et autres fournisseurs traditionnels trouvent cette situation injuste, d’autant plus que les plateformes en question n’ont aucune obligation de percevoir la TPS/TVH.
En vertu des nouvelles règles proposées, la TPS/TVH s’appliquerait à toute location de logement provisoire au Canada, que le propriétaire soit canadien ou étranger. Si le propriétaire est inscrit à la TPS/TVH, il devra percevoir et verser la taxe sur toute location de logement provisoire. Sinon, c’est l’exploitant de la plateforme de logement qui sera réputé avoir effectué la fourniture et qui devra percevoir et verser la taxe.
Les exploitants de plateformes de logement auront la possibilité de s’inscrire au régime simplifié de TPS/TVH pour ensuite percevoir et verser la taxe.
Les logements provisoires comprennent généralement la location d’un immeuble d’habitation ou d’une habitation à une personne pour une durée de moins d’un mois et à un prix de plus de 20 $ par jour.
Pour aider l’ARC à administrer les règles, les exploitants de plateformes de logement devront tenir des registres et produire une déclaration annuelle pour chaque année civile dans les six mois suivant la fin de l’année civile en question.
NOS RECOMMANDATIONS
Dans nos commentaires envoyés au gouvernement fédéral au début de février 2021, nous avons porté des problèmes législatifs et administratifs à l’attention du ministère des Finances Canada (le Ministère) et de l’ARC.
L’élément central des propositions est la mise en place d’un tout nouveau régime. Or, la législation est complexe et peut donner lieu à diverses interprétations. Pour observer les nouvelles règles, les non-résidents et leurs conseillers devront obtenir des directives claires et complètes. Nous avons encouragé le Ministère et l’ARC à déployer des efforts en ce sens le plus rapidement possible.
De plus, nous avons invité le Ministère à réviser les propositions ainsi que nos commentaires afin de simplifier les moyens d’atteindre ses objectifs.
Voici nos observations les plus importantes :
Calendrier de mise en œuvre serré
Pour certaines entreprises, la date d’entrée en vigueur du 1er juillet 2021 risque d’être trop serrée. En effet, les entreprises étrangères ont besoin d’un délai suffisant pour réaliser les trois étapes de préparation suivantes :
- Elles doivent se familiariser avec les règles et leur mode d’application et, de ce fait, elles ont besoin de conseils sur les pratiques administratives de l’ARC bien avant le 1er juillet.
- Après avoir consulté et assimilé les versions définitives de la législation et des documents administratifs, ces entreprises devront mettre à jour leurs systèmes de comptabilité et de facturation pour appliquer correctement les nouvelles règles.
- Enfin, les entreprises devront effectuer des essais pour assurer leur conformité.
Dans son rapport sur les changements aux taxes sur les plateformes numériques, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) rappelle l’importance de fournir aux non-résidents des délais raisonnables (elle suggère un délai d’un an) pour se conformer à l’élargissement des obligations de percevoir la TVA.
Nous avons donc demandé au Ministère de prolonger le délai de mise en œuvre en conséquence.
Perception de la taxe par erreur
Comme l’expérience du Québec le démontre, il peut être difficile pour une entreprise canadienne dûment inscrite de recouvrer une taxe versée par erreur auprès d’une plateforme non résidente, et ce, pour différentes raisons pratiques. En effet, les systèmes de nombreux fournisseurs non résidents ne sont pas conçus pour effectuer des remboursements de taxe seulement. De plus, certaines plateformes numériques étrangères appliquent la taxe sur toutes les opérations, que le client soit tenu de la payer ou non. Résultat : certaines entreprises canadiennes pourraient payer inutilement des taxes du simple fait qu’elles sont inscrites au régime habituel.
Nous avons proposé au Ministère de mettre en place un mécanisme de remboursement, qui pallierait ces problèmes en permettant aux entreprises de recouvrer toute taxe payée en trop directement auprès de l’ARC.
Clarification des obligations en matière d’inscription
Pour les exploitants de plateformes numériques et les fournisseurs non résidents qui les utilisent, le seuil et les obligations de perception tels qu’ils sont proposés sont difficiles à appliquer et source de confusion. La législation proposée étant conçue pour les non-résidents, il incombe à l’ARC de lever les incertitudes en donnant des directives claires et simples à son sujet.
Numéro d’inscription au régime simplifié
Pour aider les entreprises canadiennes dûment inscrites à déterminer la nature et le bien-fondé des taxes qui leur sont prélevées, nous recommandons que l’inscription au régime simplifié se fasse sous un numéro distinct. Ainsi, les entreprises pourraient déterminer facilement si leur fournisseur est inscrit au régime habituel ou au régime simplifié. L’ARC devrait également préciser si un non-résident aurait l’obligation d’informer ses clients du régime auquel il est inscrit.
Possibilité pour l’acquéreur de fournir un numéro de TPS pour éviter de payer la taxe
Nous avons demandé au gouvernement de préciser le degré de diligence raisonnable auquel les fournisseurs seraient soumis en ce qui concerne la validité des numéros de TPS/TVH qui leur sont fournis.
SUIVEZ L’ÉVOLUTION DU DOSSIER
En plus de ce qui précède, nous avons soulevé d’autres questions techniques et d’interprétation auprès du Ministère et de l’ARC. Nous continuerons à vous tenir informés de l’évolution de ce dossier.
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